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Marine, l’elfe blanc

  • sergepons
  • 27 août 2015
  • 5 min de lecture

Il était une fois….

Un elfe blanc qui m’accompagnait partout. Enfant, je l’avais rencontrée dans l’Altheiros, un pays imaginaire, ou elle vivait dans les arbres et se nourrissait des fruits du soleil. Elle m’avait dit s’appeler Marine, un nom qui évoquait la mer. Elle n’avait jamais vu la mer et ne savait même pas ce que ce mot voulait dire.

Elle m’avait demandé tout de suite:

- C’est quoi la mer ? Comment t’appelles tu ?

- Je m’appelle Julien… et… la mer…c’est de l’eau !

- Comme la pluie et les larmes ?

- Si tu veux… Mais même si tu pleurais sans arrêt, pendant toute ta vie, cela ne remplirait pas la mer. L’eau, dans la mer, c’est comme les grains de poussière sur la terre. Il y a tellement de larmes dans la mer qu’il est impossible de les compter.

- Si je pleurais tout le temps, toute ma vie, je suis sûre que je pourrai remplir la mer…

- Non, c’est impossible, même si tu vivais deux mille ans tu n’y parviendrais pas.

- Quel age as-tu Julien ?

- J’ai 10 ans. Et toi ?

- J’ai quatre mille deux cent cinquante trois ans, dix huit mois et seize jours.

- Arrête ! Tu me fais marcher !…

- Je suis un elfe Julien ! Nous pouvons vivre des millions d’années…

- Ouah ! Tu es un elfe ! J’avais tellement envie d’en rencontrer. Tu es si jolie, si fraîche, si transparente…

- Oui, je suis toute jeune, et toi tu es un bébé…mais tu as l’air gentil. Je crois que je vais rester avec toi.

C’est ainsi que Marine m’a adopté. Dans ce pays magique ou je me réfugie souvent, les animaux, les arbres et les plantes communiquent entre eux et je comprends leur langage bien qu’ils ne parlent pas. Mais les murmures, les sons, emportés par le vent, se déposent sur le sol et sur les feuilles. Chaque végétal, chaque animal comprend alors ce qu’il faut entendre. Marine comprend et écoute, elle aussi, et nous restons des heures ensemble, sans parler, à goûter les bruits de la foret.

Ainsi, nous savons que la biche vient d’avoir un bébé. Nous devinons les champignons cachés sous les feuilles. Le grand chêne, plus loin, vient d’avoir deux cents ans et l’écureuil qui se promène dans ses branches a maladroitement laissé tomber un gland.

Un jour, alors que nous étions assis cote à cote dans une clairière calme et parfumée, Marine se pencha doucement en avant et ferma les yeux. Des larmes, comme des perles de rosée, se formèrent sous la peau de son visage et tombèrent en fines gouttelettes sur ses mains ouvertes. La respiration ralentie, la bouche entrouverte, elle semblait plongée dans une profonde méditation. Ses traits détendus n’exprimaient aucune tristesse, tandis que s’échappait d’elle je ne sais quel miraculeux nectar de vie.

Fasciné par l’expression de mon amie, n’osant pas faire un geste, j’attendis patiemment qu’elle s’éveille de ce rêve qui l’habitait toute entière.

Quand, enfin, elle ouvrit les yeux, elle me regarda en souriant et dit :

- Julien, je t’ai vu grandir. J’ai vu dans mon rêve que tu allais partir, me quitter, et j’essayais de te retenir. Je n’étais pas triste car je savais, j’ai toujours su, que nous nous séparerions un jour. Je ne voulais pas y penser. Et là, j’ai vu le moment de ton départ. Veux tu savoir ce que j’ai vu ?

- Je ne suis pas sur d’en avoir envie, Marine…parce que, si tu me racontes ton rêve, il va se réaliser très vite. Je le sens, et je n’ai pas envie de te perdre…

- Tu as peut être raison…alors je ne te dirai rien. Ce moment viendra assez tôt, il ne sert à rien de l’anticiper.

Nous ne reparlâmes jamais de cet épisode. Dés que je pouvais, je m’échappais du monde des adultes et j’allais retrouver Marine dans la forêt de l’Altheiros. Nous parcourions les allées des sous bois, nous promenant au hasard de nos envies, en respirant à pleins poumons le parfum des plantes. Parfois, nous grimpions sur une des branches du grand chêne et nous regardions, au dessous de nous, passer les sangliers et leurs petits. Nous suivions la galopade d’un lapin vers son terrier, nous écoutions, ravis, le chant des oiseaux qui nous entouraient.

Les jours, les mois, les années passèrent ainsi. Mon amie restait toujours aussi fraîche et belle et moi, je grandissais…Elle semblait ne rien remarquer, mais je sentais que ses yeux, parfois, se voilaient. Je savais ce qu’elle ressentait car, si nous n’avions jamais reparlé de son rêve, celui-ci restait toujours présent dans notre esprit. Nous savions tous les deux que le jour de la séparation approchait.

Ce que j’ignorais et qu’elle savait, c’était le moment et les circonstances de mon départ.

Et puis, ce jour arriva.

Les derniers temps, j’avais été moins attentif aux bruits de la forêt. J’adorais toujours Marine, mais parfois, brusquement, elle n’était plus avec moi. Elle disparaissait tout à coup, très vite, sans raison apparente. Je partais alors à sa recherche et je finissais par la retrouver, un peu plus loin, assise, m’attendant. Elle me souriait, et nous étions de nouveau ensemble. Mais ces moments de séparation furent de plus en plus nombreux et de plus en plus longs. Parfois je la cherchais pendant des heures et parfois, je ne la retrouvais pas du tout. Je quittais alors l’Altheiros, profondément triste. La dernière fois que je l’ai vue, elle m’attendait prés du grand chêne. Alors que je me dirigeais vers elle, je devinais son sourire de bienvenue. Puis, sans m’attendre davantage, elle s’est levée et elle a commencé à marcher. Je l’ai suivie, à distance, ne cherchant même pas à l’appeler, à lui crier de ml’attendre. Nous avons marché ainsi longtemps. La distance entre nous se creusait. Sa silhouette devenant de plus en plus floue, elle a fini par disparaître. Je me suis arrêté sur le chemin. J’ai attendu, l’esprit vide, un long moment, ne voulant conserver dans ma tête que l’image de ses longs cheveux blonds, dans son dos...

Mon amie d’enfance disparue, je revins quelques temps encore dans l’Altheiros. Mais ces forêts, ces prairies, ces immensités vertes et tendres, où j’avais été heureux et comblé semblaient à présent vides et désolées. Toute magie disparue avec ma compagne, le chant des oiseaux me parut triste et vain. Je ne ressentais plus, comme avant, l’ivresse de la communication avec la nature. Ce n’était plus un refuge mais un monde froid et inhospitalier.

J’ai fini par renoncer. Plus tard, beaucoup plus tard, un soir de vague à l’âme, quand j’ai voulu revenir, je n’ai pas retrouvé la porte…

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